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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

En voilà assez sur les passions, en tant qu’elles naissent des idées qui ont rapport aux choses elles-mêmes ; parlons de celles qui naissent des idées dans leur rapport à celui qui les possède. Par exemple, lorsqu’il est urgent que nous fassions quelque action et que nous ne pouvons nous y décider, l’état d’esprit qui en résulte s’appelle fluctuation.

Lorsque l’âme se résout virilement à faire une chose qu’elle considère comme possible, c’est ce que nous appelons intrépidité.

Si l’âme a résolu d’accomplir une action difficile, c’est l’audace.

Si elle veut accomplir une chose par la raison qu’un autre homme en a fait autant, c’est l’émulation.

Lorsque l’on sait ce qu’il faut entreprendre, soit pour obtenir un bien, soit pour éloigner un mal, et qu’on ne s’y décide pas, c’est la pusillanimité, qui, poussée à un degré extrême, devient consternation.

L’effort que l’on fait de jouir à soi seul d’un bien acquis et de se le conserver s’appelle envie.

Maintenant que nous savons comment ces passions naissent, il nous est facile de dire quelles sont celles qui sont bonnes et celles qui sont mauvaises.

Quant à l’espérance, la crainte, la sécurité, le désespoir et l’envie, il est évident que toutes ces passions naissent d’une fausse opinion, puisque nous avons démontré que toutes choses ont leurs causes nécessaires et par conséquent qu’elles arrivent comme elles doivent arriver. Il semble que dans cet ordre inviolable, dans cette série de causes et d’effets, il puisse y avoir place pour la sécurité et le désespoir ; il n’en est rien cependant, parce que la sécurité et le désespoir ne seraient pas possibles, s’ils n’avaient été précédés de l’espérance et de la crainte, car c’est lorsque quelqu’un attend une chose qu’il croit bonne, qu’il éprouve ce qu’on appelle l’espoir ; et c’est lors-