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DE L’ENVIE

qu’il est assuré de posséder ce bien présumé, qu’il éprouve ce que nous appelons sécurité ; et, ce que nous affirmons de la sécurité nous l’affirmons aussi du désespoir. De ce que nous avons dit de l’amour on doit conclure qu’aucune de ces passions ne peut se trouver dans l’homme parfait. En effet, elles supposent des choses auxquelles, d’après leur nature instable, nous ne devons ni nous attacher (en vertu de notre définition de l’amour), ni nous soustraire (en vertu de notre définition de la haine) : or cet attachement ou aversion se rencontrent nécessairement dans l’homme qui est livré à ces passions.

Pour la fluctuation, la pusillanimité, la consternation, elles révèlent assez, par leur nature propre, leur imperfection : car, si elles peuvent nous être accidentellement utiles, ce n’est pas par elles-mêmes et c’est seulement d’une manière négative ; par exemple, si quelqu’un espère quelque chose qu’il tient pour bon et qui cependant ne l’est pas, et que par pusillanimité et incertitude il manque du courage nécessaire pour acquérir cette chose, ce n’est que négativement et par accident qu’il est délivré du mal qu’il croyait un bien. C’est pourquoi ces passions ne peuvent avoir aucune place dans un homme qui se conduit par la loi de la pure raison.

Enfin, pour ce qui est de l’intrépidité, de l’audace et de l’émulation, nous n’avons rien de plus à en dire que ce que nous avons dit déjà de l’amour et de la haine.