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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

Quoique la plupart des hommes pensent que ces passions sont bonnes, néanmoins je ne crains pas de dire qu’elles ne conviennent pas à l’homme parfait, car l’homme parfait est poussé seulement par la nécessité, sans l’influence de nulle autre cause, à venir en aide à son voisin : c’est pourquoi il se voit d’autant plus obligé envers les scélérats, qu’il découvre en eux plus de misère

L’ingratitude est le mépris ou le rejet de toute gratitude, comme l’impudence de toute pudeur ; et cela sans un motif quelconque de raison, mais uniquement par avidité, ou par excès d’amour de soi : c’est pourquoi elle n’a pas de place dans l’homme parfait.




CHAPITRE XIV


DU REGRET.


La dernière des passions dont nous ayons à traiter est le regret[1], qui est une espèce de tristesse d’un bien perdu que nous désespérons de recouvrer. Cette passion nous manifeste tout d’abord l’imperfection qu’elle renferme ; et il nous suffit de la considérer pour la déclarer immédiatement mauvaise ; puisque nous avons suffisamment prouvé qu’il est mauvais en soi de s’attacher et de s’enchaîner aux choses qu’il est si facile de perdre et que nous n’avons pas comme

  1. Le mot hollandais est Beklag, que le traducteur latin traduit à tort par commiseratio. (P. J.)