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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

traire que l’homme, ainsi que tout ce qui existe, est en Dieu, de telle sorte que Dieu réside en toutes ces choses et qu’il ne peut à proprement parler y avoir en lui d’amour pour autre chose que lui-même, puisque tout est en lui.

Il suit encore de là que Dieu ne donne pas des lois aux hommes pour les récompenser quand ils y obéissent ; ou, pour parler plus clairement, que les lois de Dieu ne sont pas de telle nature que l’on puisse les transgresser. Car les règles posées dans la nature par Dieu, suivant lesquelles toutes choses naissent et durent (si on peut les appeler des lois), sont telles que nous ne pouvons les transgresser ; par exemple, que le plus faible doit céder au plus fort ; qu’aucune cause ne peut produire plus qu’elle n’a en elle-même ; et autres de cette nature, qui sont telles qu’elles ne changent pas, ne commencent pas, et que tout leur est soumis et subordonné. En un mot, toutes les lois que nous ne pouvons pas transgresser sont des lois divines, par cette raison que tout ce qui se fait se fait non pas contre, mais selon le décret de Dieu. Toutes les lois que nous pouvons transgresser sont des lois humaines, parce que, portées par les hommes, elles ne tendent qu’au bonheur des hommes et non au bien du tout, et même tendent souvent au contraire à la destruction de beaucoup d’autres choses. Les lois divines sont la fin suprême pour laquelle toutes choses sont faites ; et elles ne sont pas subordonnées. Il n’en est pas de même des lois humaines ; car, lorsque les lois de la nature sont plus puissantes que les lois des hommes, celles-ci sont détruites.

Quoique les hommes fassent des lois pour leur bonheur et n’aient d’autre but que d’augmenter leur bonheur, cependant ce but (en tant que subordonné à d’autres buts, aperçu par un être supérieur, qui les ferait agir comme partie de la nature), ce but, dis-je,