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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

raisonnement n’est pas en nous ce qu’il y a de meilleur, mais seulement un degré par lequel nous nous élevons au terme désiré, ou une sorte d’esprit bienfaisant qui, en dehors de toute erreur et de toute fraude, nous apporte la nouvelle du souverain bien et nous invite à le chercher et à nous unir à lui, laquelle union est notre salut véritable et notre béatitude.

Il nous reste donc, pour mettre fin à cet ouvrage, à expliquer brièvement ce que c’est que la liberté humaine et en quoi elle consiste ; pour cet objet, j’emploierai les propositions suivantes, comme certaines et démontrées :

1o  Plus une chose a d’être, plus elle a d’action et moins de passion, car il est certain que l’agent agit par ce qu’il possède, et le patient souffre par ce qui lui manque.

2o  Toute passion qui nous fait passer de l’être au non-être, ou du non-être à l’être, doit procéder d’un agent externe et non interne : car aucune chose, considérée en elle-même, n’a en soi une cause par laquelle elle puisse se détruire, lorsqu’elle est, et par laquelle elle pourrait s’appeler elle-même à l’être, lorsqu’elle n’est pas.

3o  Tout ce qui n’est pas produit par des causes externes ne peut entrer en commerce avec elles, et par conséquent ne peut être par elles ni changé ni transformé.

4o  De la 2e  et de la 3e  proposition se tire la proposition suivante : Tout ce qui vient d’une cause immanente ou interne (ce qui est pour moi la même chose) ne peut être détruit ou changé, tant que sa cause demeure, car, puisqu’une telle chose ne peut être produite par des causes externes, elle ne peut pas non plus (d’après la 3e  proposition) être changée par de telles causes ; et comme, en général, aucune chose