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APPENDICE

Propositions.
I.

Aucune substance réelle ne peut posséder un attribut qui appartient déjà à une autre substance ; en d’autres termes, il ne peut exister dans la nature deux substances qui soient réellement distinctes.

Démonstration. – En effet, puisque ce sont deux substances, elles sont distinctes, et (par l’ax. II) elles se distinguent soit réellement, soit modalement ; mais elles ne peuvent se distinguer modalement, car alors les modes seraient antérieurs à la substance (contre l’ax. I) ; il faut donc qu’elles se distinguent réellement. Donc (par l’ax. IV), elles ne peuvent avoir rien de commun. Q. E. D.

II.

Une substance ne peut être cause de l’existence d’une autre substance.

Une telle substance n’a rien en soi qui la rende capable d’une telle action (par la 1re  proposition), car la différence de l’une et de l’autre est réelle : c’est pourquoi (par l’ax. V) l’une ne peut pas produire l’autre.

III.

Toute substance est infinie de sa nature et est absolument parfaite en son genre.

Dém. – Aucune substance (par la 2e  proposition) ne peut être produite par une autre. Donc, si elle existe réellement, ou elle est un attribut de Dieu, ou elle est cause d’elle-même en dehors de Dieu. Dans le premier cas, elle est nécessairement infinie et parfaite en son genre, comme tous les attributs de Dieu ; dans le second cas, elle l’est également, car (par l’ax. VI) elle n’a pu se limiter elle-même.