Page:Spoelberch de Lovenjoul - Les Lundis d’un chercheur, 1894, 2e éd.djvu/134

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» Tout cela devait être. Les choses se sont bien passées. De part et d’autre on peut être content. Chaque idée a son heure.

» C’est bien peu de chose qu’un livre comme celui-ci mais s’il plaît aujourd’hui, c’est qu’alors il étonna ; c’est peut-être qu’il prévenait un désir de l’esprit général, et qu’en le prévenant il acheva de le développer ; c’est qu’une goutte d’eau est remarquée lorsqu’elle jaillit au delà d’une mer ou d’un torrent, une étincelle lorsqu’elle dépasse les flammes d’un grand foyer.

» Si ce n’était appliquer de trop vastes idées à un humble sujet, on pourrait dire encore que la marche de l’humanité dans la région des pensées ressemble à celle d’une grande armée dans le désert. D’abord la multitude s’avance et n’aperçoit ni ses éclaireurs perdus en avant d’elle, au delà de l’horizon, ni les traînards qu’elle sème en arrière sur sa route ; elle sent bien le besoin du mouvement, mais elle en ignore le terme ; chaque nouvel aspect, elle croit l’avoir découvert ; elle prend possession de l’espace ; et quoiqu’elle ne porte sa vue qu’à une étendue très bornée, elle