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QUATRIÈME PARTIE.

était l’auteur de cette insigne lâcheté : je l’avais offensé, il y a quelques mois, vous le savez, et le misérable s’en est vengé sur madame d’Albémar.

Après avoir accablé M. de Fierville de mon mépris, j’ai obtenu de lui, ce matin, mille inutiles promesses de désaveu, de secret, de repentir ; mais à présent que l’horrible histoire qu’il a forgée est connue, ce n’est plus de lui qu’elle dépend. Ne puis-je pas découvrir un homme (ils ne sont pas tous des vieillards ) qui se soit permis de calomnier Delphine ! Quand je me complais dans cette idée, quand elle me calme, une autre vient bientôt me troubler ; puis-je me dire avec certitude que je ne compromettrai pas Delphine en la vengeant ? qu’au lieu d’étouffer les bruits qu’on a répandus, je n’en augmenterai pas l’éclat ? Cependant, faut-il laisser de telles calomnies impunies ? me direz-vous que je le dois ? n’hésiterez-vous pas en me condamnant à ce supplice ? Madame d’Albémar est parente de madame de Mondoville, elle n’a point de frère, point de protecteur naturel ; n’est-ce pas à moi de lui en tenir lieu ?

La réputation de madame d’Albémar est sans doute le premier intérêt qu’il faut considérer ; mais s’il ne vous est pas entièrement démontré que le devoir le plus impérieux me commande de me laisser dévorer par les sentiments que j’éprouve, vous ne l’exigerez pas de moi.

Je n’ai pas encore vu madame d’Albémar ; il me semblait que je ne pouvais retourner vers elle qu’après avoir réparé de quelque manière l’affront dont je suis la première cause. Oh ! je vous en conjure, si vous connaissez un moyen, dites-le-moi ; dois-je laisser sans défenseur une âme innocente qui n’a que moi pour appui ?

LETTRE XVI. — RÉPONSE DE M. DE LEBENSEI À LÉONCE.
Cernay, ce 2 septembre.

Oui, monsieur, il existe un moyen de réparer tous les malheurs de votre amie, mais ce n’est plus celui que votre courage vous fait désirer. Madame d’Albémar a bien voulu, comme vous, me demander conseil ; en lui répondant à l’instant même, je lui ai déclaré ce que mon amitié m’inspire pour votre bonheur à tous les deux ; je vais lui envoyer ma lettre. Je ne puis me permettre, sans son aveu, de vous apprendre ce que cette lettre contient ; elle vous le confiera sans doute. Tout ce que je