Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, version abrégée Belin de Launay, 1876.djvu/235

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de mon seau ; le robuste Choupérê, l’homme au pied agile et sûr, avait une hache à la main, une peau de chèvre sur la tête ; Mabrouki, Tête-de-Taureau, tout à fait dans son rôle, faisait des bonds d’éléphant solennel ; Baraca, drapé dans ma peau d’ours, brandissait une lance ; Oulimengo, armé d’un mousquet, paraissait affronter cent mille hommes, tant il avait l’air féroce ; Khamisi et Camna, dos à dos devant les tambours, lançaient ambitieusement des coups de pied aux étoiles ; le géant Asmani, pareil au dieu Thor, se servait de son fusil comme d’un marteau pour broyer des bandes imaginaires.

Toute autre passion dormait ; il n’y avait là, sous le ciel étoilé, que des démons jouant leur rôle dans un drame fantastique, entraînés au mouvement par le tonnerre irrésistible des tambours.

La musique guerrière s’arrêta pour faire place à une autre. Le chorège se mit à genoux, et se plongea la tête à diverse reprises dans une excavation du sol ; puis il commença un chant grave, d’une mesure lente, dont le chœur, également agenouillé, répéta d’une voix plaintive les derniers mots à chaque verset.

Il m’est impossible de rendre les paroles, le ton et l’accent passionné de ce chant dont le rythme était parfait, et qui avait pour objet de célébrer la joie de ceux qui retournaient avec moi à Zanzibar et la douleur de ceux qui demeuraient avec Singéri.

13 mars. Le dernier jour est fini, le dernier soir est venu ; demain ne peut pas être évité. Je me révolte contre le sort qui nous sépare, Livingstone et moi. Les minutes s’écoulent rapidement et font des heures.