Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/143

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décisif, que celle-ci parle, et c'est pour avoir aussi un caractère particulier.

Une autre se voue à ne dire que des choses fines (difficiles à comprendre au premier abord), mais d'un ton qui est encore plus fin que tout ce qu'elle dit. Une autre se met à être vive et pétillante. Je ne sais si tu auras pu observer tous ces caractères-là à Grenoble ou chez made­moiselle Lassaigne, mais ce sont ceux du grand monde,

Lucile ne débite ce qu'elle dit dans aucune de ces petites manières de femme. C'est le caractère de ses pensées qui règle bien franchement le ton dont elle parle. Elle ne songe à avoir aucune sorte d'es­prit ; mais elle a de l'esprit avec lequel on en a de toutes les sortes.

Il n'y a point de jolie femme qui n'ait plus ou moins le désir de plaire ; de là naissent ces petites minauderies avec lesquelles elle vous dit : « Regardez-moi. >>

Toutes ces singeries ne sont point â l'usage de Lucile ; elle a une fierté d amour-propre qui ne lui permet pas de s'y abaisser. Elle rougirait de vous « avoir plu », si dans la réflexion vous pouviez vous dire : « Elle a tâché de me plaire. » Voilà ses moyens pour enchanter tout le monde ; on aime mieux un sourire de sa part que des com­pliments d'une autre femme.