Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/274

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souvent des âmes rares ; la tête n'y ré­pond pas. Si Jean, par exemple, fût né à ma place, il serait colonel à l'heure qu'il est ; il a vraiment l'ambition perçante, celle qui réussit. Le corps et la tête sont les valets de l'âme, et l'âme obéit elle-même au moi, qui est le désir du bonheur. Le corps et la tête, à force de faire la même chose, la font plus facilement : cela s'appelle prendre une habitude. Je sup-pose qu'une passion règne deux ans chez un homme : la passion cesse, mais les ha­bitudes de la tête et du corps durent. Que cette passion ait été l'amour, que la femme qui l'inspirait portât habituelle­ment un chapeau avec deux touffes d'hor­tensia (la mode actuelle), qu'il la vît ordi­nairement au jardin du Luxembourg : voilà le corps et la tête influant sur l'âme ; cela est bien sec, j'en conviens, mais cela mène à tout ce qu'il y a de sublime dans la science de l'homme. Demande-moi ce que j'aurai mal expliqué.

Encore un mot : il y a des passions, l'amour, la vengeance, la haine, l'orgueil, la vanité, l'amour de la gloire. Il y a des états de passion : la terreur, la crainte, la fureur, le rire, les pleurs, la joie, la tris­tesse, l'inquiétude. Je les appelle états de passion, parce que plusieurs passions dif­férentes peuvent nous rendre terrifiés,