Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/16

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pour une femme insensible. Il en décrit avec complaisance les paysages qu’il a le plus chéris, et au premier rang le divin lac de Côme. Il y donne jour à son goût de la passion poussée au paroxysme et qui ne connaît d’autre loi qu’elle-même. Il y étale enfin avec frénésie tous les désirs de sa jeunesse et tous les rêves de son âge mûr.

La Chartreuse fut écrite, nous l’avons vu, avec une étonnante rapidité. En cinquante-deux jours Stendhal remplit six gros cahiers de l’histoire de Fabrice del Dongo. Chaque matin il se remettait au travail après avoir relu la dernière page dictée la veille et qui lui donnait l’idée de la suivante. Sans savoir au juste où il allait, car, il nous l’a confié, cela le glaçait que de suivre un plan », il se fiait à son imagination émue et il improvisait, tout au plaisir de retracer de si exaltantes aventures. Ainsi, tout le long de ce roman, une suite de circonstances imprévisibles ballotte les héros ils sont portés sur le flot de l’existence, à la merci du hasard. L’unité de l’œuvre provient moins d’une action sans cesse dispersée et sans cesse renaissante, avec un grand luxe d’événements accumulés, que de la continuité des caractères, toujours fortement identiques à eux-