Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/161

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« Garde-toi bien de signer les lettres que tu écris pour donner de tes nouvelles, lui disait la comtesse. À ton retour tu ne dois point venir d’emblée sur le lac de Côme ; arrête-toi à Lugano, sur le territoire suisse. » Il devait arriver dans cette petite ville sous le nom de Cavi ; il trouverait à la principale auberge le valet de chambre de la comtesse, qui lui indiquerait ce qu’il fallait faire. Sa tante finissait par ces mots : « Cache par tous les moyens possibles la folie que tu as faite, et surtout ne conserve sur toi aucun papier imprimé ou écrit en Suisse ; tu seras environné des amis de Sainte-Marguerite[1]. Si j’ai assez d’argent, lui disait la comtesse, j’enverrai quelqu’un à Genève, à l’hôtel des Balances, et tu auras des détails que je ne puis écrire et qu’il faut pourtant que tu saches avant d’arriver. Mais, au nom de Dieu, pas un jour de plus à Paris ; tu y serais reconnu par nos espions. L’imagination de Fabrice se mit à se figurer les choses les plus étranges, et il fut incapable de tout autre plaisir que celui de chercher à deviner ce que sa tante pouvait avoir à lui apprendre de si étrange. Deux fois, en traversant la France, il fut arrêté

  1. M. Pellico a rendu ce nom européen, c’est celui de la rue de Milan où se trouvent le palais et les prisons de la police.