Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/278

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avec fureur, le fait qu’elle me dénonce en existe-t-il moins ? Ce caprice peut changer ma vie, dit-il, comme pour s’excuser d’être tellement fou. Au premier moment, si elle l’aime d’une certaine façon, elle part avec lui pour Belgirate, pour la Suisse, pour quelque coin du monde. Elle est riche, et d’ailleurs, dût-elle vivre avec quelques louis chaque année, que lui importe ? Ne m’avouait-elle pas, il n’y a pas huit jours, que son palais, si bien arrangé, si magnifique, l’ennuie ? Il faut du nouveau à cette âme si jeune ! Et avec quelle simplicité se présente cette félicité nouvelle ! elle sera entraînée avant d’avoir songé au danger, avant d’avoir songé à me plaindre ! Et je suis pourtant si malheureux ! s’écria le comte fondant en larmes.

Il s’était juré de ne pas aller chez la duchesse ce soir-là, mais il n’y put tenir ; jamais ses yeux n’avaient eu une telle soif de la regarder. Sur le minuit il se présenta chez elle ; il la trouva seule avec son neveu ; à dix heures elle avait renvoyé tout le monde et fait fermer sa porte.

À l’aspect de l’intimité tendre qui régnait entre ces deux êtres, et de la joie naïve de la duchesse, une affreuse difficulté s’éleva devant les yeux du comte, et à l’improviste ! il n’y avait pas songé