Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/304

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depuis le 7 mars à 8 heures du soir. J’en sortis pour aller prendre le passe-port de Vasi, et le lendemain, la crainte des espions me fit précipiter mon départ. Quand je repassai après le voyage en France, je n’eus pas le temps d’y monter, même pour revoir mes gravures, et cela grâce à la dénonciation de mon frère.

Fabrice détourna la tête avec horreur. L’abbé Blanès a plus de quatre-vingt-trois ans, se dit-il tristement, il ne vient presque plus au château, à ce que m’a raconté ma sœur ; les infirmités de la vieillesse ont produit leur effet. Ce cœur si ferme et si noble est glacé par l’âge. Dieu sait depuis combien de temps il ne va plus à son clocher ; je me cacherai dans le cellier, sous les cuves ou sous le pressoir jusqu’au moment de son réveil ; je n’irai pas troubler le sommeil du bon vieillard ; probablement il aura oublié jusqu’à mes traits ; six ans font beaucoup à cet âge ! je ne trouverai plus que le tombeau d’un ami ! Et c’est un véritable enfantillage, ajouta-t-il, d’être venu ici affronter le dégoût que me cause le château de mon père.

Fabrice entrait alors sur la petite place de l’église ; ce fut avec un étonnement allant jusqu’au délire qu’il vit, au second étage de l’antique clocher, la fenêtre étroite et longue éclairée par la petite lanterne