Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/107

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jamais autre chose. Ne gardez, je vous prie, aucune idée de retour, tout est bien fini. Comptez à jamais sur mon amitié. »

Ce dernier trait fut trop fort pour le courage du comte ; il fit une belle lettre au prince pour donner sa démission de tous ses emplois, et il l’adressa à la duchesse avec prière de la faire parvenir au palais. Un instant après, il reçut sa démission, déchirée en quatre, et, sur un des blancs du papier, la duchesse avait daigné écrire : Non, mille fois non !

Il serait difficile de décrire le désespoir du pauvre ministre. Elle a raison, j’en conviens, se disait-il à chaque instant ; mon omission du mot procédure injuste est un affreux malheur ; elle entraînera peut-être la mort de Fabrice, et celle-ci amènera la mienne. Ce fut avec la mort dans l’âme que le comte, qui ne voulait pas paraître au palais du souverain avant d’y être appelé, écrivit de sa main le motu proprio qui nommait Rassi chevalier de l’ordre de Saint-Paul et lui conférait la noblesse transmissible ; le comte y joignit un rapport d’une demi-page qui exposait au prince les raisons d’état qui conseillaient cette mesure. Il trouva une sorte de joie mélancolique à faire de ces pièces deux belles copies qu’il adressa à la duchesse.