Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/140

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elle venait de disparaître ; il était un autre homme.

Dès ce moment l’unique objet de ses pensées fut de savoir comment il pourrait parvenir à continuer de la voir, même quand on aurait posé cet horrible abat-jour devant la fenêtre qui donnait sur le palais du gouverneur.

La veille au soir, avant de se coucher, il s’était imposé l’ennui fort long de cacher la meilleure partie de l’or qu’il avait, dans plusieurs des trous de rats qui ornaient sa chambre de bois. Il faut, ce soir, que je cache ma montre. N’ai-je pas entendu dire qu’avec de la patience et un ressort de montre ébréché on peut couper le bois et même le fer ? Je pourrai donc scier cet abat-jour. Ce travail de cacher la montre, qui dura de grandes heures, ne lui sembla point long ; il songeait aux différents moyens de parvenir à son but, et à ce qu’il savait faire en travaux de menuiserie. Si je sais m’y prendre, se disait-il, je pourrai couper bien carrément un compartiment de la planche de chêne qui formera l’abat-jour, vers la partie qui reposera sur l’appui de la fenêtre ; j’ôterai et je remettrai ce morceau suivant les circonstances ; je donnerai tout ce que je possède à Grillo afin qu’il veuille bien ne pas s’apercevoir de ce petit manège. Tout le bonheur de Fabrice