Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/187

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purent l’engager, lorsque le jour allait déjà paraître, à discontinuer des signaux qui pouvaient attirer les regards de quelque méchant. Cette annonce plusieurs fois répétée d’une délivrance prochaine jeta Fabrice dans une profonde tristesse : Clélia, la remarquant le lendemain, commit l’imprudence de lui en demander la cause.

— Je me vois sur le point de donner un grave sujet de mécontentement à la duchesse.

— Et que peut-elle exiger de vous que vous lui refusiez ? s’écria Clélia transportée de la curiosité la plus vive.

— Elle veut que je sorte d’ici, lui répondit-il, et c’est à quoi je ne consentirai jamais.

Clélia ne put répondre, elle le regarda et fondit en larmes. S’il eût pu lui adresser la parole de près, peut-être alors eût-il obtenu l’aveu de sentiments dont l’incertitude le plongeait souvent dans un profond découragement ; il sentait vivement que la vie, sans l’amour de Clélia, ne pouvait être pour lui qu’une suite de chagrins amers ou d’ennuis insupportables. Il lui semblait que ce n’était plus la peine de vivre pour retrouver ces mêmes bonheurs qui lui semblaient intéressants avant d’avoir connu l’amour, et quoique le suicide ne soit pas encore à la mode en