Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/281

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avait consenti à enivrer la garnison, et jamais Fabrice ne parlait de Clélia ! Mais, ajoutait la duchesse se frappant la poitrine avec désespoir, si la garnison n’eût pas été enivrée, toutes mes inventions, tous mes soins devenaient inutiles ; ainsi c’est elle qui l’a sauvé !

C’était avec une extrême difficulté que la duchesse obtenait de Fabrice des détails sur les événements de cette nuit, qui, se disait la duchesse, autrefois eût formé entre nous le sujet d’un entretien sans cesse renaissant ! Dans ces temps fortunés, il eût parlé tout un jour et avec une verve et une gaieté sans cesse renaissantes sur la moindre bagatelle que je m’avisais de mettre en avant.

Comme il fallait tout prévoir, la duchesse avait établi Fabrice au port de Locarno, ville suisse à l’extrémité du lac Majeur. Tous les jours elle allait le prendre en bateau pour de longues promenades sur le lac. Eh bien ! une fois qu’elle s’avisa de monter chez lui, elle trouva sa chambre tapissée d’une quantité de vues de la ville de Parme qu’il avait fait venir de Milan ou de Parme même, pays qu’il aurait dû tenir en abomination. Son petit salon, changé en atelier, était encombré de tout l’appareil d’un peintre à l’aquarelle, et elle le trouva finissant une troisième vue