Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/325

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pressais de songer à sa fortune. Pendant mon absence, il a cherché querelle aux fermiers généraux du prince, qui étaient des fripons ; le comte les a remplacés par d’autres fripons qui lui ont donné 800.000 francs.

— Comment ! s’écria la princesse étonnée ; mon Dieu ! que je suis fâchée de cela !

— Madame, répliqua la duchesse d’un très-grand sang-froid, faut-il retourner le nez du magot à gauche ?

— Mon Dieu, non, s’écria la princesse ; mais je suis fâchée qu’un homme du caractère du comte ait songé à ce genre de gain.

— Sans ce vol, il était méprisé de tous les honnêtes gens.

— Grand Dieu ! est-il possible ?

— Madame, reprit la duchesse, excepté mon ami, le marquis Crescenzi, qui a 3 ou 400.000 livres de rente, tout le monde vole ici ; et comment ne volerait-on pas dans un pays où la reconnaissance des plus grands services ne dure pas tout à fait un mois ? Il n’y a donc de réel et de survivant à la disgrâce que l’argent. Je vais me permettre, madame, des vérités terribles.

— Je vous les permets, moi, dit la princesse avec un profond soupir, et pour-