Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/418

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Non, vous ne me verrez jamais changer,
Beaux yeux qui m’avez appris à aimer.

Clélia osa se répéter à elle-même ces deux vers de Pétrarque.

La princesse se retira aussitôt après le souper ; le prince l’avait suivie jusque chez elle, et ne reparut point dans les salles de réception. Dès que cette nouvelle fut connue, tout le monde voulut partir à la fois ; il y eut un désordre complet dans les antichambres ; Clélia se trouva tout près de Fabrice ; le profond malheur peint dans ses traits lui fit pitié. — Oublions le passé, lui dit-elle, et gardez ce souvenir d’amitié. En disant ces mots, elle plaçait son éventail de façon à ce qu’il pût le prendre.

Tout changea aux yeux de Fabrice : en un instant il fut un autre homme ; dès le lendemain il déclara que sa retraite était terminée, et revint prendre son magnifique appartement au palais Sanseverina. L’archevêque dit et crut que la faveur que le prince lui avait faite en l’admettant à son jeu avait fait perdre entièrement la tête à ce nouveau saint : la duchesse vit qu’il était d’accord avec Clélia. Cette pensée, venant redoubler le malheur que donnait le souvenir d’une promesse fatale, acheva de la déterminer