Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/64

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nement en rentrant à la forteresse, mais je saurai tout par don Cesare… J’ai de l’argent ; je pourrais acheter quelques orangers qui, placés sous la fenêtre de ma volière, m’empêcheraient de voir ce gros mur de la tour Farnèse. Combien il va m’être plus odieux encore maintenant que je connais l’une des personnes qu’il cache à la lumière !… Oui, c’est bien la troisième fois que je l’ai vu ; une fois à la cour, au bal du jour de naissance de la princesse ; aujourd’hui, entouré de trois gendarmes, pendant que cet horrible Barbone sollicitait les menottes contre lui, et enfin près du lac de Côme. Il y a bien cinq ans de cela ; quel air de mauvais garnement il avait alors ! quels yeux il faisait aux gendarmes, et quels regards singuliers sa mère et sa tante lui adressaient ! Certainement il y avait ce jour-là quelque secret, quelque chose de particulier entre eux ; dans le temps, j’eus l’idée que lui aussi avait peur des gendarmes… Clélia tressaillit ; mais que j’étais ignorante ! Sans doute, déjà dans ce temps, la duchesse avait de l’intérêt pour lui… Comme il nous fit rire au bout de quelques moments, quand ces dames, malgré leur préoccupation évidente, se furent un peu accoutumées à la présence d’une étrangère !… et ce soir j’ai pu ne pas répondre au mot qu’il m’a adressé !…