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STENDHAL
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teur. le Rouge et le Noir. C’est d’ailleurs à peine s’il réside à Trieste, Metternich ayant refusé l’exequatur à l’écrivain qui avait plaisanté l’Autriche dans Rome, Naples et Florence. Nommé à Civita-Vecchia, en terre papale, il s’ennuie terriblement dans cette nécropole où sévissent la malaria et Lysimaque Tavernier, son secrétaire, un fourbe et intrigant Levantin. Aussi s’en évade-t-il le plus qu’il peut, soit pour Ancône, soit pour Rome, soit pour Paris, où il fait en 1833 un premier séjour de quatre mois, puis, grâce à un congé renouvelé périodiquement, un séjour de trois longues années, entre mai 1836 et juin 1839. Le ministère de l’instruction publique l’avait décoré en 1835 comme homme de lettres. Toujours élégant, toujours galant, malgré un embonpoint déjà abusif et diverses autres injures de la cinquantaine, il poursuivait de ses assiduités Mme  Jules — encore la fille d’un préfet de l’Empire — et ne se résignait pas sans dépit à être doucement écarté. La littérature n’y perdait rien : il continuait à Paris les œuvres commencées dans l’ennui de Civita-Vecchia, ses chroniques italiennes, son Chasseur vert, les Mémoires d’un touriste, qui parurent en 1838, et la Chartreuse de Parme, qui parut l’année suivante, celle où il rejoignit son consulat. Il y résida deux ans, d’août 1839 à novembre 1841. Les rhumatismes, la malaria et les mauvais offices de Tavernier achevèrent de ruiner sa santé. Il revint mourir à Paris. Le 22 mars 1842, une attaque d’apoplexie le terrassait en pleine rue. Il vécut jusqu’au lendemain, assisté par le fidèle Colomb. Trois personnes, dont Mérimée, suivirent son cercueil jusqu’au cimetière Montmartre, et il était si peu connu du public et des gens de lettres que des journalistes, en annonçant sa mort, mirent un a à son nom de Beyle et confondirent son pseudonyme avec le titre d’un roman de Kératry, Frédéric Styndall.

Indigne erreur, des plus naturelles pourtant ! La vie de Beyle, remuante, militante, — vie d’homme si pleinement homme et si peu vie d’auteur ! — explique à la fois son isolement dans la littérature de l’époque, et cette originalité qu’on ne devait bien sentir qu’au bout d’un long demisiècle. Il s’est défini un égotiste : c’est une épithète qui devient très claire à la lumière de certains aveux comme celui-ci : « Se changer ? Duperie : je me soumets à mes défauts. » Se bien connaître d’abord, et pour cela se soumettre à une