Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 140 —

fou doit recevoir vos ordres, dit-il à la comtesse qui, ce matin-là, dans son négligé à demi déguisement, était d’un piquant irrésistible. Le profond chagrin de l’exil de Fabrice, la violence qu’elle se faisait pour paraitre chez un homme qui en avait agi traîtreusement avec elle, tout se réunissait pour donner à son regard un éclat incroyable.

— C’est dans cette position que je veux recevoir vos ordres, s’écria le chanoine, car il est évident que vous avez quelque service à me demander, autrement vous n’auriez pas honoré de votre présence la pauvre maison d’un malheureux fou : jadis transporté d’amour et de jalousie, il se conduisit avec vous comme un lâche, une fois qu’il vit qu’il ne pouvait vous plaire.

Ces paroles étaient sincères et d’autant plus belles que le chanoine jouissait maintenant d’un grand pouvoir : la comtesse en fut touchée jusqu’aux larmes ; l’humiliation, la crainte glaçaient son âme : en un instant l’attendrissement et un peu d’espoir leur succédaient. D’un état fort malheureux elle passait en un clin d’œil presque au bonheur.

— Baise ma main, dit-elle au chanoine en la lui présentant, et lève-toi. (Il faut savoir qu’en Italie le tutoiement indique la bonne et franche amitié tout aussi bien qu’un sentiment plus tendre.) Je viens te demander grâce pour mon neveu Fabrice. Voici la vérité complète et sans le