Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 173 —

future duchesse fût née noble. L’an passé, ma place, tout calculé, m’a valu cent sept mille francs ; mon revenu a dû être au total de cent vingt-deux mille, j’en ai placé vingt mille à Lyon. Eh bien ! choisissez : 1o une grande existence basée sur cent vingt-deux mille francs à dépenser, qui, à Parme, font au moins comme quatre cent mille à Milan ; mais avec ce mariage, qui vous donne le nom d’un homme passable et que vous ne verrez jamais qu’à l’autel ; 2o ou bien la petite vie bourgeoise avec quinze mille francs à Florence ou à Naples, car je suis de votre avis, on vous a trop admirée à Milan ; l’envie nous y persécuterait, et peut-être parviendrait-elle à nous donner de l’humeur. La grande existence à Parme aura, je l’espère, quelques nuances de nouveauté, même à vos yeux qui ont vu la cour du prince Eugène ; il serait sage de la connaître avant de s’en fermer la porte. Ne croyez pas que je cherche à influencer votre opinion. Quant à moi, mon choix est bien arrêté : j’aime mieux vivre dans un quatrième étage avec vous que de continuer seul cette grande existence.

La possibilité de cet étrange mariage fut débattue chaque jour entre les deux amants. La comtesse vit au bal de la Scala le duc Sanseverina-Taxis qui lui sembla fort présentable. Dans une de leurs dernières conversations, Mosca résumait ainsi sa proposition : Il faut prendre un parti décisif, si nous voulons passer le reste de notre vie