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visage s’élevait fort peu un tout petit nez presque féminin. Mais la duchesse remarqua que pour apercevoir tous ces motifs de laideur, il fallait chercher à détailler les traits du prince. Au total, il avait l’air d’un homme d’esprit et d’un caractère ferme. Le port du prince, sa manière de se tenir n’étaient point sans majesté, mais souvent il voulait imposer à son interlocuteur ; alors il s’embarrassait lui-même et tombait dans un balancement d’une jambe à l’autre presque continuel. Du reste, Ernest IV avait un regard pénétrant et dominateur ; les gestes de ses bras avaient de la noblesse, et ses paroles étaient à la fois mesurées et concises.

Mosca avait prévenu la duchesse que le prince avait, dans le grand cabinet où il recevait en audience, un portrait en pied de Louis XIV, et une table fort belle de Scagliola, de Florence. Elle trouva que l’imitation était frappante ; évidemment il cherchait le regard et la parole noble de Louis XIV, et il s’appuyait sur la table de Scagliola, de façon à se donner la tournure de Joseph II. Il s’assit aussitôt après les premières paroles adressées par lui à la duchesse, afin de lui donner l’occasion de faire usage du tabouret qui appartenait à son rang. À cette cour, les duchesses, les princesses et les femmes de grands d’Espagne s’asseoient seules ; les autres femmes attendent que le prince ou