Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 189 —

ne lui parlait jamais de Fabrice qu’après avoir songé à la tournure de sa phrase.

— Si vous voulez, lui disait un jour le comte, j’écrirai à cet aimable frère que vous avez sur le lac de Côme, et je forcerai bien ce marquis del Dongo, avec un peu de peine pour moi et mes amis de ***, à demander la grâce de votre aimable Fabrice. S’il est vrai, comme je me garderais bien d’en douter, que Fabrice soit un peu au-dessus des jeunes gens qui promènent leurs chevaux anglais dans les rues de Milan, quelle vie que celle qui à dix-huit ans ne fait rien et a la perspective de ne jamais rien faire ! Si le ciel lui avait accordé une vraie passion pour quoi ce soit, fût-ce pour la pêche à la ligne, je la respecterais ; mais que fera-t-il à Milan même après sa grâce obtenue ? Il montera un cheval qu’il aura fait venir d’Angleterre, à une certaine heure, à une autre le désœuvrement le conduira chez sa maîtresse qu’il aimera moins que son cheval… Mais si vous m’en donnez l’ordre, je tâcherai de procurer ce genre de vie à votre neveu.

— Je le voudrais officier, dit la duchesse.

— Conseilleriez-vous à un souverain de confier un poste qui, dans un jour donné, peut être de quelque importance, à un jeune homme 1o  susceptible d’enthousiasme ; 2o  qui a montré de l’enthousiasme pour Napoléon, au point d’aller le rejoindre à Waterloo ? Songez à ce que nous se-