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Fabrice débuta à Naples avec une voiture modeste et quatre domestiques, bons Milanais, que sa tante lui avait envoyés. Après une année d’étude personne ne disait que c’était un homme d’esprit ; on le regardait comme un grand seigneur appliqué, fort généreux, mais un peu libertin.

Cette année, assez amusante pour Fabrice, fut terrible pour la duchesse. Le comte fut trois ou quatre fois à deux doigts de sa perte ; le prince plus peureux que jamais, parce qu’il était malade cette année-là, croyait, en le revoyant, se débarrasser de l’odieux des exécutions faites avant l’entrée du comte au ministère. Le Rassi était favori du cœur qu’on voulait garder avant tout. Les périls du comte lui attachèrent passionnément la duchesse, elle ne songeait plus à Fabrice. Pour donner une couleur à leur retraite possible, il se trouva que l’air de Parme, un peu humide en effet, comme celui de toute la Lombardie, ne convenait nullement à sa santé. Enfin, après des intervalles de disgrâce qui allèrent pour le comte, premier ministre, jusqu’à passer quelquefois vingt jours entiers sans voir son maître en particulier, Mosca l’emporta ; il fit nommer le général Fabio Conti, le prétendu libéral, gouverneur de la citadelle où l’on enfermait les libéraux jugés par Rassi. Si Conti use d’indulgence envers ses prisonniers, disait Mosca à son amie, on le dis-