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sentement chez le père Landriani, notre excellent archevêque ; vas-y à pied, monte doucement l’escalier, fais peu de bruit dans les antichambres ; si l’on te fait attendre, tant mieux, mille fois tant mieux ! en un mot, sois apostolique !

— J’entends, dit Fabrice, notre homme est un tartufe.

— Pas le moins du monde, c’est la vertu même.

— Même après ce qu’il a fait, reprit Fabrice étonné, lors du supplice du comte Palanza ?

— Oui, mon ami, après ce qu’il a fait : le père de notre archevêque était un commis au ministère des finances, un petit bourgeois, voilà qui explique tout. Monseigneur Landriani est un homme d’un esprit vif, étendu, profond ; il est sincère, il aime la vertu : je suis convaincue que si un empereur Décius revenait au monde, il subirait le martyre comme le Polyeucte de l’Opéra, qu’on nous donnait la semaine passée. Voilà le beau côté de la médaille, voici le revers : dès qu’il est en présence du souverain, ou seulement du premier ministre, il est ébloui de tant de grandeur, il se trouble, il rougit ; il lui est matériellement impossible de dire non. De là les choses qu’il a faites, et qui lui ont valu cette cruelle réputation dans toute l’Italie ; mais ce qu’on ne sait pas, c’est que, lorsque l’opinion publique vint l’éclairer sur le procès du comte Palanza, il s’imposa pour péni-