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La duchesse se hâta de descendre chez elle. À peine enfermée dans sa chambre, elle fondit en larmes ; elle trouvait quelque chose d’horrible dans l’idée de faire l’amour avec ce Fabrice qu’elle avait vu naître ; et pourtant que voulait dire sa conduite ?

Telle avait été la première cause de la noire mélancolie dans laquelle le comte la trouva plongée ; lui arrivé, elle eut des accès d’impatience contre lui, et presque contre Fabrice ; elle eût voulu ne plus les revoir ni l’un ni l’autre ; elle était dépitée du rôle ridicule à ses yeux que Fabrice jouait auprès de la petite Marietta ; car le comte lui avait tout dit en véritable amoureux incapable de garder un secret. Elle ne pouvait s’accoutumer à ce malheur : son idole avait un défaut ; enfin, dans un moment de bonne amitié elle demanda conseil au comte ; ce fut pour celui-ci un instant délicieux et une belle récompense du mouvement honnête qui l’avait fait revenir à Parme.

— Quoi de plus simple ! dit le comte en riant : les jeunes gens veulent avoir toutes les femmes, puis le lendemain ils n’y pensent plus. Ne doit-il pas aller à Belgirate, voir la marquise del Dongo ? Hé bien ! qu’il parte. Pendant son absence je prierai la troupe comique de porter ailleurs ses talents, je paierai les frais de route ; mais bientôt nous le verrons amoureux de la première jolie