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autre prison bien autrement dure, bien plus terrible ! Probablement tu n’en sortiras que par un crime, mais, grâce au ciel, ce crime ne sera pas commis par toi. Ne tombe jamais dans le crime avec quelque violence que tu sois tenté ; je crois voir qu’il est question de tuer un innocent, qui, sans le savoir, usurpe tes droits ; si tu résistes à la violente tentation qui semblera justifiée par les lois de l’honneur, ta vie sera très heureuse aux yeux des hommes… et raisonnablement heureuse aux yeux du sage, ajouta-t-il, après un moment de réflexion ; tu mourras comme moi, mon fils, assis sur un siège de bois, loin de tout luxe, et détrompé du luxe, et comme moi n’ayant à te faire aucun reproche grave.

Maintenant, les choses de l’état futur sont terminées entre nous, je ne pourrais ajouter rien de bien important. C’est en vain que j’ai cherché à voir de quelle durée sera cette prison ; s’agit-il de six mois, d’un an, de dix ans ? je n’ai rien pu découvrir ; apparemment j’ai commis quelque faute, et le ciel a voulu me punir par le chagrin de cette incertitude. J’ai vu seulement qu’après la prison, mais je ne sais si c’est au moment même de la sortie, il y aura ce que j’appelle un crime, mais par bonheur je crois être sûr qu’il ne sera pas commis par toi. Si tu as la faiblesse de tremper dans ce crime, tout le reste de mes calculs n’est qu’une longue erreur. Alors tu ne mourras point