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saignait abondamment ; il para plusieurs coups avec son couteau de chasse et porta plusieurs bottes sans trop savoir ce qu’il faisait ; il lui semblait vaguement être à un assaut public. Cette idée lui avait été suggérée par la présence de ses ouvriers, qui, au nombre de vingt-cinq ou trente, formaient cercle autour des combattants, mais à distance fort respectueuse ; car on voyait ceux-ci courir à tout moment et s’élancer l’un sur l’autre.

Le combat semblait se ralentir un peu ; les coups ne se suivaient plus avec la même rapidité, lorsque Fabrice se dit : À la douleur que je ressens au visage, il faut qu’il m’ait défiguré. Saisi de rage à cette idée, il sauta sur son ennemi la pointe du couteau de chasse en avant. Cette pointe entra dans le côté droit de la poitrine de Giletti et sortit vers l’épaule gauche ; au même instant l’épée de Giletti pénétrait de toute sa longueur dans le haut du bras de Fabrice ; mais l’épée glissa sous la peau, et ce fut une blessure insignifiante.

Giletti était tombé ; au moment où Fabrice s’avançait vers lui, regardant sa main gauche qui tenait un couteau, cette main s’ouvrait machinalement et laissait échapper son arme.

Le gredin est mort, se dit Fabrice ; il le regarda au visage, Giletti rendait beaucoup de sang par la bouche. Fabrice courut à la voiture.

— Avez-vous un miroir ? cria-t-il à Marietta. Marietta le regardait très-pâle et ne répondit pas.