Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/370

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— J’en ai trois différents : l’un avec les noms et les titres de votre excellence ; le second avec votre nom seulement, et le troisième sous un nom supposé, Joseph Bossi ; chaque passe-port est en double expédition, selon que votre excellence voudra arriver de Florence ou de Modène. Il ne s’agit que de faire une promenade hors de la ville. Monsieur le comte vous verrait loger avec plaisir à l’auberge del Pelegrino, dont le maître est son ami.

Fabrice, ayant l’air de marcher au hasard, s’avança dans la nef droite de l’église, jusqu’au lieu où ses cierges étaient allumés ; ses yeux se fixèrent sur la madone de Cimabué, puis il dit à Pépé en s’agenouillant : Il faut que je rende grâces un instant ; Pépé l’imita. Au sortir de l’église, Pépé remarqua que Fabrice donnait une pièce de vingt francs au premier pauvre qui lui demanda l’aumône ; ce mendiant jeta des cris de reconnaissance qui attirèrent sur les pas de l’être charitable les nuées de pauvres de tout genre qui ornent d’ordinaire la place de Saint-Pétrone. Tous voulaient avoir leur part du napoléon. Les femmes, désespérant de pénétrer dans la mêlée qui l’entourait, fondirent sur Fabrice, lui criant s’il n’était pas vrai qu’il avait voulu donner son napoléon pour être divisé parmi tous les pauvres du bon Dieu. Pépé, brandissant sa canne à pomme d’or, leur ordonna de laisser son excellence tranquille.