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doublement de surveillance. Les rapports de tous ses agents disaient au comte M*** qu’un homme fort jeune, portant une perruque de cheveux rouges, paraissait fort souvent sous les fenêtres de la Fausta, mais toujours avec un déguisement nouveau. Évidemment c’est le jeune prince, se dit M*** ; autrement pourquoi se déguiser ? et parbleu ! un homme comme moi n’est pas fait pour lui céder. Sans les usurpations de la république de Venise, je serais prince souverain, moi aussi.

Le jour de san Stefano les rapports des espions prirent une couleur plus sombre ; ils semblaient indiquer que la Fausta commençait à répondre aux empressements de l’inconnu. Je puis partir à l’instant avec cette femme, se dit M***. Mais quoi ! à Bologne, j’ai fui devant del Dongo ; ici je fuirais devant un prince ! Mais que dirait ce jeune homme ? Il pourrait penser qu’il a réussi à me faire peur ! Et pardieu ! je suis d’aussi bonne maison que lui. M*** était furieux, mais, pour comble de misère, tenait avant tout à ne point se donner, aux yeux de la Fausta qu’il savait moqueuse, le ridicule d’être jaloux. Le jour desan Stephano donc, après avoir passé une heure avec elle, et en avoir été accueilli avec un empressement qui lui sembla le comble de la fausseté, il la laissa sur les onze heures, s’habillant pour aller entendre la messe à l’église de Saint-Jean. Le comte M*** revint chez lui, prit l’habit noir râpé