Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 1), 1883.djvu/407

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Il ne se doute pas de la présence de mon petit Fabrice, se dit la cantatrice ravie, et maintenant nous pourrons nous moquer de lui d’une façon précieuse !

Fabrice ne devina point son bonheur ; trouvant le lendemain les fenêtres de la cantatrice soigneusement fermées, et ne la voyant nulle part, la plaisanterie commença à lui sembler longue. Il avait des remords. Dans quelle situation est-ce que je mets ce pauvre comte Mosca, lui ministre de la police ! on le croira mon complice, je serai venu dans ce pays pour casser le cou à sa fortune ! Mais si j’abandonne un projet si longtemps suivi, que dira la duchesse quand je lui conterai mes essais d’amour ?

Un soir que prêt à quitter la partie il se faisait ainsi la morale, en rôdant sous les grands arbres qui séparent le palais de la Fausta de la citadelle, il remarqua qu’il était suivi par un espion de fort petite taille ; ce fut en vain que pour s’en débarrasser il alla passer par plusieurs rues, toujours cet être microscopique semblait attaché à ses pas. Impatienté, il courut dans une rue solitaire située le long de la Parma, et où ses gens étaient en embuscade ; sur un signe qu’il fit, ils sautèrent sur le pauvre petit espion, qui se précipita à leurs genoux : c’était la Bettina, femme de chambre de la Fausta ; après trois jours d’ennui et de reclusion, déguisée en homme pour échapper au poignard du