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comte M***, dont sa maîtresse et elle avaient grand’peur, elle avait entrepris de venir dire à Fabrice qu’on l’aimait à la passion et qu’on brûlait de le voir ; mais on ne pouvait plus paraître à l’église de Saint-Jean. Il était temps, se dit Fabrice ; vive l’insistance !

La petite femme de chambre était fort jolie, ce qui enleva Fabrice à ses rêveries morales. Elle lui apprit que la promenade et toutes les rues où il avait passé ce soir-là étaient soigneusement gardées, sans qu’il y parût, par des espions de M***. Ils avaient loué des chambres au rez-de-chaussée ou au premier étage ; cachés derrière les persiennes et gardant un profond silence, ils observaient tout ce qui se passait dans la rue, en apparence la plus solitaire, et entendaient ce qu’on y disait.

— Si ces espions eussent reconnu ma voix, dit la petite Bettina, j’étais poignardée sans rémission à ma rentrée au logis, et peut-être ma pauvre maîtresse avec moi.

Cette terreur la rendait charmante aux yeux de Fabrice.

— Le comte M***, continua-t-elle, est furieux, et madame sait qu’il est capable de tout. Elle m’a chargée de vous dire qu’elle voudrait être à cent lieues d’ici avec vous !

Alors elle raconta la scène du jour de la Saint-Étienne, et la fureur de M***, qui n’avait perdu aucun des regards et des signes d’amour que