Page:Stendhal - Lamiel, éd. Stryienski, 1889.djvu/331

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terie était la source principale de ma mauvaise conduite ; voyez comme je suis coquette.

Elle continua d’un air plus sérieux.

— Je n’ai pas cru faire mal en me donnant à des jeunes gens pour lesquels je n’avais aucun goût. Je désire savoir si l’amour est possible pour moi. Ne suis-je pas maîtresse de moi ? à qui est-ce que j’ai fait tort ? À quelle promesse est-ce que je manque ?

Une fois entrée dans les pourquoi, Lamiel fit bientôt courir à l’abbé Clément des dangers bien différents de ceux qu’il appréhendait la veille. Elle était d’une impiété effroyable. La profonde curiosité qui, à vrai dire, était sa seule passion, aidée par la sorte d’éducation impromptue qu’elle cherchait à se donner depuis les premiers jours qu’elle avait habité Rouen avec le jeune duc, lui fit proférer des choses horribles aux yeux du jeune théologien, et à plusieurs desquelles il fut hors d’état de répondre d’une façon satisfaisante.

Lamiel, le voyant embarrassé, fut bien loin de profiter grossièrement de sa victoire malgré elle ; elle se figura la conduite cruelle que le comte eût adoptée à sa place ; elle eut la joie de se sentir supérieure.