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conversations

Un jour elle lui raconta, avec ces yeux brillants de plaisir, qui prouvent la sincérité de l’admiration, ce trait d’une jeune femme du règne de Henri III, qu’elle venait de lire dans les Mémoires de l’Étoile : Trouvant son mari infidèle, elle le poignarda.

L’amour-propre de Julien était flatté. Une personne environnée de tant de respects, et qui, au dire de l’académicien, menait toute la maison, daignait lui parler d’un air qui pouvait presque ressembler à de l’amitié.

Je m’étais trompé, pensa bientôt Julien ; ce n’est pas de la familiarité, je ne suis qu’un confident de tragédie, c’est le besoin de parler. Je passe pour savant dans cette famille. Je m’en vais lire Brantôme, d’Aubigné, l’Étoile. Je pourrai contester quelques-unes des anecdotes dont me parle mademoiselle de La Mole. Je veux sortir de ce rôle de confident passif.

Peu à peu ses conversations avec cette jeune fille, d’un maintien si imposant et en même temps si aisé, devinrent plus intéressantes. Il oubliait son triste rôle de plébéien révolté. Il la trouvait savante, et même raisonnable. Ses opinions dans le jardin étaient bien différentes de celles qu’elle avouait au salon. Quelquefois elle avait avec lui un enthousiasme et une