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le rouge et le noir

Le marquis parut ; Julien se hâta de lui annoncer son départ.

— Pour où ? dit M. de La Mole.

— Pour le Languedoc.

— Non pas, s’il vous plaît, vous êtes réservé à de plus hautes destinées, si vous partez ce sera pour le Nord… même, en termes militaires, je vous consigne à l’hôtel. Vous m’obligerez de n’être jamais plus de deux ou trois heures absent, je puis avoir besoin de vous d’un moment à l’autre.

Julien salua, et se retira sans mot dire, laissant le marquis fort étonné ; il était hors d’état de parler, il s’enferma dans sa chambre. Là, il put s’exagérer en liberté toute l’atrocité de son sort.

Ainsi, pensait-il, je ne puis pas même m’éloigner ! Dieu sait combien de jours le marquis va me retenir à Paris ; grand Dieu ! que vais-je devenir ? et pas un ami que je puisse consulter : l’abbé Pirard ne me laisserait pas finir la première phrase, le comte Altamira me proposerait de m’affilier à quelque conspiration.

Et cependant je suis fou, je le sens ; je suis fou !

Qui pourra me guider, que vais-je devenir ?