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malheur de la jalousie

qu’elle reprenait pour lui. Elle trouvait un plaisir extrême à se promener à ses côtés, c’était avec curiosité qu’elle regardait ces mains qui le matin avaient saisi l’épée pour la tuer.

Après une telle action, après tout ce qui s’était passé, il ne pouvait plus être question de leur ancienne conversation.

Peu à peu Mathilde se mit à lui parler avec confidence intime de l’état de son cœur. Elle trouvait une singulière volupté dans ce genre de conversation ; elle en vint à lui raconter les mouvements d’enthousiasme passagers qu’elle avait éprouvés pour M. de Croisenois, pour M. de Caylus…

— Quoi ! pour M. de Caylus aussi ! s’écria Julien ; et toute l’amère jalousie d’un amant délaissé éclatait dans ce mot. Mathilde en jugea ainsi, et n’en fut point offensée.

Elle continua à torturer Julien, en lui détaillant ses sentiments d’autrefois de la façon la plus pittoresque, et avec l’accent de la plus intime vérité. Il voyait qu’elle peignait ce qu’elle avait sous les yeux. Il avait la douleur de remarquer qu’en parlant, elle faisait des découvertes dans son propre cœur.

Le malheur de la jalousie ne peut aller plus loin.

Soupçonner qu’un rival est aimé est