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le rouge et le noir

l’État soit renversé ? ils seront cardinaux, et se réfugieront à Rome. Nous, dans nos châteaux, nous serons massacrés par les paysans.

La note secrète que le marquis rédigea d’après le grand procès-verbal de vingt-six pages, écrit par Julien, ne fut prête qu’à quatre heures trois quarts.

— Je suis fatigué à la mort, dit le marquis, et on le voit bien à cette note qui manque de netteté vers la fin ; j’en suis plus mécontent que d’aucune chose que j’aie faite en ma vie. Tenez, mon ami, ajouta-t-il, allez vous reposer quelques heures, et de peur qu’on ne vous enlève, moi je vais vous enfermer à clef dans votre chambre.

Le lendemain, le marquis conduisit Julien à un château isolé assez éloigné de Paris. Là se trouvèrent des hôtes singuliers, que Julien jugea être prêtres. On lui remit un passe-port qui portait un nom supposé ; mais indiquait enfin le véritable but du voyage qu’il avait toujours feint d’ignorer. Il monta seul dans une calèche.

Le marquis n’avait aucune inquiétude sur sa mémoire, Julien lui avait récité plusieurs fois la note secrète, mais il craignait fort qu’il ne fût intercepté.

— Surtout n’ayez l’air que d’un fat qui