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le rouge et le noir

C’est par une tirade sur ce sentiment que commençait la première des cinquante-trois lettres dont le prince Korasoff lui avait fait cadeau.

La maréchale annonça qu’elle allait à l’Opéra-Buffa. Julien y courut ; il trouva le chevalier de Beauvoisis, qui l’emmena dans une loge de messieurs les gentilshommes de la chambre, justement à côté de la loge de madame de Fervaques. Julien la regarda constamment. Il faut, se dit-il, en rentrant à l’hôtel, que je tienne un journal de siège ; autrement j’oublierais mes attaques. Il se força à écrire deux ou trois pages sur ce sujet ennuyeux, et parvint ainsi, chose admirable ! à ne presque pas penser à mademoiselle de La Mole.

Mathilde l’avait presque oublié pendant son voyage. Ce n’est après tout qu’un être commun, pensait-elle, son nom me rappellera toujours la plus grande faute de ma vie. Il faut revenir de bonne foi aux idées vulgaires de sagesse et d’honneur ; une femme a tout à perdre en les oubliant. Elle se montra disposée à permettre enfin la conclusion de l’arrangement avec le marquis de Croisenois, préparé depuis si longtemps. Il était fou de joie ; on l’eût bien étonné en lui disant qu’il y avait de la résignation au fond de cette