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l’éloquence

truction. Après c’est madame Derville…

— Madame Derville ! s’écria Julien, et une vive rougeur couvrit son front. Au sortir d’ici, pensa-t-il, elle va écrire à madame de Rênal. Il ignorait l’arrivée de madame de Rênal à Besançon.

Les témoins furent bien vite entendus. Dès les premiers mots de l’accusation soutenue par l’avocat général, deux de ces dames placées dans le petit balcon, tout à fait en face de Julien, fondirent en larmes. Madame Derville ne s’attendrit point ainsi, pensa Julien. Cependant il remarqua qu’elle était fort rouge.

L’avocat général faisait du pathos en mauvais français sur la barbarie du crime commis ; Julien observa que les voisines de madame Derville avaient l’air de le désapprouver vivement. Plusieurs jurés, apparemment de la connaissance de ces dames, leur parlaient et semblaient les rassurer. Voilà qui ne laisse pas d’être de bon augure, pensa Julien.

Jusque-là il s’était senti pénétré d’un mépris sans mélange pour tous les hommes qui assistaient au jugement. L’éloquence plate de l’avocat général augmenta ce sentiment de dégoût. Mais peu à peu la sécheresse d’âme de Julien disparut devant les marques d’intérêt dont il était évidemment l’objet.