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une neuvaine

Le soir, à peine sortie de sa prison, elle fit venir chez sa tante le prêtre qui s’était attaché à Julien comme à une proie ; comme il ne voulait que se mettre en crédit auprès des jeunes femmes appartenant à la haute société de Besançon, madame de Rênal l’engagea facilement à aller faire une neuvaine à l’abbaye de Bray-le-Haut.

Aucune parole ne put rendre l’excès et la folie de l’amour de Julien.

À force d’or, et en usant et abusant du crédit de sa tante, dévote célèbre et riche, madame de Rênal obtint de le voir deux fois par jour.

À cette nouvelle, la jalousie de Mathilde s’exalta jusqu’à l’égarement. M. de Frilair lui avait avoué que tout son crédit n’allait pas jusqu’à braver toutes les convenances au point de lui faire permettre de voir son ami plus d’une fois chaque jour. Mathilde fit suivre madame de Rênal afin de connaître ses moindres démarches. M. de Frilair épuisait toutes les ressources d’un esprit fort adroit pour lui prouver que Julien était indigne d’elle.

Au milieu de tous ces tourments elle ne l’en aimait que plus, et presque chaque jour, lui faisait une scène horrible.

Julien voulait à toute force être honnête homme jusqu’à la fin envers cette pauvre jeune fille qu’il avait si étrangement com-