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l’hôtel de la mole

Le juif venait de mourir laissant à son fils cent mille écus de rente par mois, et un nom, hélas, trop connu ! Cette position singulière eût exigé de la simplicité dans le caractère, ou beaucoup de force de volonté.

Malheureusement, le comte n’était qu’un bon homme garni de toutes sortes de prétentions qui lui étaient inspirées par ses flatteurs.

M. de Caylus prétendait qu’on lui avait donné la volonté de demander en mariage mademoiselle de La Mole (à laquelle le marquis de Croisenois, qui devait être duc avec cent mille livres de rente, faisait la cour).

— Ah ! ne l’accusez pas d’avoir une volonté, disait piteusement Norbert.

Ce qui manquait peut-être le plus à ce pauvre comte de Thaler, c’était la faculté de vouloir. Par ce côté de son caractère il eût été digne d’être roi. Prenant sans cesse conseil de tout le monde, il n’avait le courage de suivre aucun avis jusqu’au bout.

Sa physionomie eût suffi à elle seule, disait mademoiselle de La Mole, pour lui inspirer une joie éternelle. C’était un mélange singulier d’inquiétude et de désappointement ; mais de temps à autre on y distinguait fort bien des bouffées d’impor-