Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/239

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bonds comme Diderot, ou ironiques comme Voltaire, et de pères jésuites fort puissants faisant bâtir des séminaires plus grands que des casernes. Il s’exagéra de même ce qu’il croyait de Lucien ; il le crut absolument sans cœur. « De tels propos ne s’apprennent pas, » se dit le docteur. Et il commença à estimer notre héros. « Si ce garçon-là avait passé quatre ans dans un régiment et fait deux voyages à Prague ou à Vienne, il vaudrait mieux que nos d’Antin ou nos Roller. Du moins, quand nous sommes entre nous, il ne ferait pas de pathos. »

Après trois semaines de retraite forcée, rendue moins ennuyeuse par la présence presque continue du docteur, Lucien fit sa première sortie, et ce fut pour aller chez la directrice de la poste, la bonne mademoiselle Prichard, dévote célèbre. Là, il s’assit sous prétexte de fatigue, il entra en conversation d’un air sage et discret, et enfin s’abonna à la Quotidienne, à la Gazette, à la Mode, etc. La bonne maîtresse de poste regardait avec vénération ce jeune homme en uniforme et fort élégant, qui prenait un si grand nombre d’abonnements et à de tels journaux.

Lucien avait compris que dans un régiment juste milieu tous les rôles valaient mieux que celui de républicain, c’est-à-