Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/261

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passion qui agitaient madame d’Hocquincourt. Elle n’était point hypocrite ; ce genre de mérite eût été impossible avec une telle figure.

Madame d’Hocquincourt eût passé à Paris pour une beauté du premier ordre ; à Nancy, c’est tout au plus si l’on convenait qu’elle était belle. [D’abord, elle n’avait rien de cet air empesé si admiré en province, et ses façons d’agir gaies, libres, familières, sans façon, comme d’une princesse qui s’amuse, lui avaient valu l’aversion furibonde de toutes les femmes. Les dévotes surtout ne parlaient guère d’elle qu’avec fureur. Elles insinuaient, croyant la fâcher beaucoup, qu’elles la trouvaient presque laide. Mme d’Hocquincourt le savait, et c’était un de ses sujets de joie.] Lucien reconnut toute la haine qu’on lui portait, en voyant madame de Serpierre lui adresser la parole. Il trouva un peu trop marquée la haine des dévotes, et le que m’importe ! de la jeune femme. [Cette jeune marquise n’avait rien du gourmé de son rang, elle était naturellement coquette, folle et gaie. Aussi sa réputation était-elle bien plus mauvaise qu’elle ne le méritait. Par un hasard bien étonnant en province et qui frappa profondément Lucien, Madame d’Hocquincourt ne pouvait se plier à la moindre