Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/119

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Chasteller et, bien plus, à lui donner de justes motifs de plainte ? Il savait combien elle était susceptible pour ce qu’elle appelait les égards dus à son sexe. Il est très vrai que dans sa lutte désespérée contre le sentiment qu’elle avait pour Leuwen, madame de Chasteller, mécontente du peu de confiance qu’elle pouvait avoir dans ses résolutions les plus arrêtées, était souvent irritée contre elle-même, et lui faisait alors de bien mauvaises querelles.

Avec un peu plus d’expérience de la vie, ces querelles, sans sujet raisonnable de la part d’une femme qui avait autant d’esprit et dont la modestie et l’équité naturelles étaient bien loin de s’exagérer les torts des autres, ces querelles auraient montré à Leuwen de quels combats était le théâtre ce cœur qu’il assiégeait. Mais ce cœur politique avait toujours méprisé l’amour et ignorait l’art d’aimer, chose si nécessaire. Jusqu’au hasard qui lui avait fait voir madame de Chasteller et au mouvement de vanité qui lui avait rendu désagréable l’idée qu’une des plus jolies femmes de la ville pût avoir de justes raisons de se moquer de lui, il s’était dit :

« Que penserait-on d’un homme qui, en présence d’une éruption du Vésuve, serait tout occupé à jouer au bilboquet ? »