Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/120

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Cette image imposante a l’avantage de résumer son caractère et celui de ce qu’il y avait de mieux parmi les jeunes gens de son âge. Quand l’amour était venu remplacer dans le cœur de ce jeune Romain un sentiment plus sévère, ce qui restait de l’adoration du devoir s’était transformé en honneur mal entendu.

[Dans la position actuelle de Leuwen, le plus petit jeune homme de dix-huit ans, pour peu qu’il eût eu quelque sécheresse d’âme et un peu de ce mépris pour les femmes, si à la mode aujourd’hui, se fût dit : Quoi de plus simple que de se présenter chez madame de Chasteller sans avoir l’air d’attacher la moindre importance à ce qui s’est passé hier, sans même faire mine de se souvenir le moins du monde de cette petite boutade d’humeur, mais prêt à faire toutes les excuses possibles de ce qui s’était passé et ensuite à parler d’autre chose, s’il se trouvait que madame de Chasteller voulût encore attacher quelque importance au crime affreux de lui avoir baisé la main.]

Mais Leuwen était bien loin de ces idées. Au point de bon sens et de vieillesse morale où nous sommes, il faut, j’en conviens, faire un effort sur soi-même pour pouvoir comprendre les affreux combats dont l’âme de notre héros était le