Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/149

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moiselle Théodelinde me fit des yeux terribles de réprimande, et plus tard j’oubliai de lui en demander la raison.

— Elle avait tort, le milord ne se serait point fâché ; il dit, quand on le lui demande, qu’il méprise tant les hommes qu’à moins qu’on ne le prenne par le bouton de son habit pour lui dire une injure, il ne demande jamais la parole. Est-ce que le Père éternel me paie pour redresser les sottises du genre humain ? disait-il un jour à M. de Sanréal, qui ne savait pas trop s’il ne devait se fâcher, car il venait de dire coup sur coup trois ou quatre sottises bien insipides. Il y a Ludwig Roller qui prétend que le milord n’est pas sujet à se fâcher, en vérité, je ne vois pas pourquoi. Depuis Juillet, ce pauvre Ludwig n’a pas décoléré (n’est pas sorti de colère). Les deux mille francs de sa place de lieutenant sont un objet pour lui, d’ailleurs il ne sait plus de quoi parler ; il étudiait beaucoup son métier, et prétendait devenir maréchal de France. Ils ont eu un cordon rouge dans la famille.

— Je ne sais pas s’il sera maréchal, mais il est assommant, avec les théories de M. Rey, dont il s’est fait le répétiteur. Il prétend que le code civil est horriblement immoral, à cause de l’égale division des biens du